mardi 19 novembre 2024

Comment le solaire photovoltaïque peut protéger les sols, la biodiversité, et l’agriculture paysanne. ( Yves Heuillard )

Photo. Source Agrisolar Clearing House. License Creative Commons
On se trompe de cible en s’opposant au solaire photovoltaïque sur les terres agricoles. Il faut au contraire le favoriser pour maintenir une agriculture paysanne et la ruralité. Paradoxalement, ne pas le faire, c’est faire le jeu de l’appropriation et de l’industrialisation de tout par quelques-uns. Explications. 

Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération, un collectif de scientifiques et d’artistes se sont érigés contre le déploiement de centrales photovoltaïques en milieux naturels (1). Par milieux naturels, ils entendent des zones humides, ou des forêts, et on ne peut que leur donner raison. Mais ils entendent aussi les prairies, et par extension, les terres agricoles. Et de mon point de vue, on fait fausse route. 

De quoi parle-t-on ? De 150 000 hectares qui pourraient accueillir des panneaux solaires. Mais, autant que je le sache, les auteurs de la tribune ne s’indignent pas de l’utilisation de 2,5 millions d’hectares agricoles, dont 800 000 hectares des meilleures terres de notre territoire, pour produire des biocarburants qui servent à remplir les réservoirs de nos automobiles (2). Je ne vois pas non plus d’opposition aussi farouche à l’artificialisation de 340 000 hectares depuis 2009 (3) pour construire des maisons individuelles, des immeubles, des infrastructures routières, des centres commerciaux, alors qu’il serait possible de densifier l’existant ou simplement de ne pas le laisser tomber en ruine. Mais revenons à nos moutons. 

J’ai calculé qu’avec 100 000 hectares de solaire photovoltaïque (ordre de grandeur), il est possible de produire une quantité d’électricité capable d’alimenter toutes nos voitures si toutes étaient électriques (4). Et donc ces 100 000 hectares de panneaux solaires économiseraient en réalité 700 000 hectares dans l’hexagone, et un 1,7 millions d’hectares ailleurs, consacrés à nos biocarburants. 

Vous me suivez ? 100 000 hectares de panneaux solaires, toutes nos automobiles deviennent électriques, plus besoin de biocarburants, et on économise 2,4 millions d’hectares de bonnes terres agricoles consacrées à la production de biocarburants. Vive les panneaux solaires ! 

Et les défenseurs de la biodiversité pourraient militer pour que ces 2,4 millions d’hectares dont nous n’aurions plus besoin soient laissés en friche. C’est la superficie de trois départements regagnés pour la biodiversité en mobilisant de l’ordre de 100 000 hectares de panneaux solaires. 

J’ajoute ici que, contrairement au colza, au maïs, au blé ou à la betterave cultivés pour faire des biocarburants, il n’est nul besoin de bonnes terres pour les panneaux solaires, nul besoin d’eau, de tracteurs, de camions, de gazole, d’installations industrielles, et surtout d’engrais et de pesticides à hautes doses dont on connaît les bienfaits sur la biodiversité… 

Allons plus loin. Nombres de petits exploitants agricoles dans des zones difficiles, ne peuvent plus vivre de leur terre. Les anciens restent sur leurs exploitation et continuent à entretenir les paysages, les chemins, les haies ; ils contribuent souvent à l’alimentation locale, à la survie de nombre de villages et de hameaux, et sont précisément des auxiliaires précieux de la protection de la biodiversité. Mais alors que 50 % des agriculteurs vont partir à la retraite, rares sont leurs enfants qui veulent reprendre, ils ne veulent pas être des agriculteurs pauvres (5). 

Les éleveurs du sud de la Loire, les paysans des grands causses et des montagnes, nombre de viticulteurs et d’arboriculteurs savent de quoi je parle. 

Une part de production solaire dans les petites fermes changerait l‘équation économique de l’exploitant (6), maintiendrait des agriculteurs dans les campagnes, favoriserait les installations, conforteraient le rôle des paysans, perpétuerait des cultures de faible rentabilité mais utiles à la biodiversité : des variétés anciennes de blés, de haricots, de pommes par exemple ; et avec eux encore la conservation de pratiques agricoles capables de nous aider à nous adapter au changement climatique. Et avec eux, j’enfonce des portes ouvertes, c’est aussi le maintien d’une boulangerie locale, du marché hebdomadaire, de la ruralité, de la vie tout simplement, et c’est la promesse de développements. Les maires ruraux savent de quoi je parle. 

Prenons un exemple simple. Si on utilisait 100 000 des 790 000 hectares de vignes pour y poser des panneaux photovoltaïques ? La biodiversité en souffrirait-elle ? Loin de là, elle retrouverait enfin des espaces naturels, sous les panneaux solaires. Et ceci permettrait à nombre de viticulteurs de survivre aux aléas climatiques qui rendent les exploitations de plus en plus compliquées. Et peut être pourraient-ils, dans un contexte de baisse de la demande et de marché en berne, amorcer une transition coûteuse vers d’autres cultures plus propices à la biodiversité que 4000 pieds de vignes à l’hectare arrosés, dans le meilleur des cas, de bouillie bordelaise... Ajoutons qu’en France l‘alcool est directement à l’origine de 50 000 morts par an et qu’on pourrait mettre en cause l’utilité publique de produire du pinard, ce que je ne ferai pas, bien au contraire. Ce que je soutiens ici, de façon très réductrice aux fins de me faire comprendre, c’est qu’électricité solaire au sol et petits vignerons font bon ménage. Je ne parle pas ici d’installer à grands frais des panneaux solaires au dessus des cultures, mais de sols soustraits à la vigne, rendu à la nature sous les panneaux solaires, pour améliorer l’économie de l’exploitation, réduire les rendements, augmenter la qualité, passer en biodynamie par exemple. Je vois là tout l’inverse d’une atteinte à la biodiversité. 

Autre exemple, les producteurs de lait. À quoi bon protéger les prairies, pour voir les éleveurs assiéger la préfecture du coin parce que le prix du lait leur permet juste de crever. 

Notez que les prairies équipées de panneaux solaires ne seraient pas perdues pour autant car les panneaux solaires sont démontables. Et d’ailleurs ces prairies ne seraient pas artificialisées, c’est tout l’inverse. La nappe phréatique s’en porterait mieux ; de même que les rivières, et jusqu’à la faune marine, empoisonnées par le lisier des vaches  ; la terre en friche pendant 30 ans retrouverait sa richesse biologique ; les marcheurs risqueraient moins de mourir asphyxiés sur les plages ; le paysan pourrait envisager une diversification qui serait impossible sans le filet de sécurité apporté par l’activité électrique ; et le préfet du coin pourrait sortir tranquillement de la préfecture sans risquer un jet de purin. Ma réflexion vaut d’ailleurs aussi pour l’éolien. 

En s’opposant à « l’énergie-culture » par les paysans, on défend la désertification des campagnes, l’accaparement par des investisseurs industriels de centaines de milliers d’hectares bientôt délaissés par des agriculteurs âgés sans repreneur (7). 

Ces investisseurs y installeront des fermes usines, planteront et exploiteront à grande échelle des monocultures de nouvelles essences d’arbres, parfois exotiques, peut-être modifiées génétiquement, supposées adaptées au dérèglement climatique, candidates aux subventions, mais surtout adaptées à l’industrie pour produire la viscose de nos vêtements jetables, les bioplastiques de nos emballages, les cosmétiques et les carburants de demain. Et ce, coupe rase après coupe rase jusqu’à l’épuisement des sols. Et ces sols usés, bientôt qualifiés de délaissés, bénéficieront d’autres aides de l’État pour y construire... des fermes solaires, cette fois géantes, propriétés de trusts dont les sièges seront à l’autre du monde.

Les signataires de la tribune publiée par Libération ne l’ont peut-être pas vu comme ça. Leur intention est louable mais nous sommes au point où, au prétexte de protéger des espaces naturels, on réserve l’installation de panneaux solaires aux terres polluées, aux friches industrielles ou aux décharges - ce qui aboutit à récompenser les pollueurs d’hier. Ma suggestion est toute à l’opposé : avec quelques règles simples, le solaire photovoltaïque, prodige de la production électrique, offrirait l’opportunité d’une agriculture plus responsable et plus humaine, plus paysanne et donc bien utile à la biodiversité. 

Et en étendant cette suggestion de synergie économique et environnementale à toutes les activités, nous tenons une proposition sociale nouvelle, celle de la démocratie économique, capable de redonner confiance dans les institutions. 

par Yves Heuillard Journaliste spécialiste des problématiques environnementales /18 novembre 2024.  

Références : 

 1) « Pour un arrêt du déploiement de centrales photovoltaïques en milieux naturels » Libération du 5 novembre 2024. 

2) « Gâchis de 9,6 millions d’hectares de terres» : les biocarburants, un frein à la lutte contre le dérèglement climatique. Libération du 9 mars 2023. 

3) Voir « Artificialisation des sols », Ministères Territoires Écologie Logement. 

4) Voir mon post « Combien d’hectares agricoles couverts de panneaux solaires pour alimenter toutes nos voitures si toutes étaient électriques ? ». J’avais pris les chiffres de 40 millions de voitures, 12 500 km/an, 20 kWh aux cent km et de 1 GWh/ ha.an sur la base de « Land Requirements for Utility-Scale PV: An Empirical Update on Power and Energy Density. IEEE Journal of Photovoltaïcs. » 

5) Voir « Le vrai du faux. 50% des agriculteurs français vont-ils partir à la retraite d'ici moins de dix ans ? » Source France Info. 

6) Selon Olivier Thomas, Maire de Marcoussis interviewé par France Culture, la ferme solaire de 23 hectares installée sur une friche municipale rapporte à la commune un loyer de 7000 euros par hectare et par an.

 7) Voir la « La terre aux paysans, l’agro-industrie hors champ » publié par les Amis de la Terre. Voir aussi « Des fermes géantes vont se multiplier dans nos campagnes » publié par Capital. Et par Ouest-France « Accaparements de terres agricoles : « Un risque pour la nature et le travail rural » » 

mardi 5 novembre 2024

Christian de Perthuis lors de l'Université de l'autoconsommation 2024 d'ENERPLAN.


Quelques extraits de cette édifiante contribution de l'économiste du climat Christian de Perthuis:

"On est engagé dans une révolution majeure, cette révolution c'est la bascule des énergies de stock vers les énergies de flux. ...   Pendant très longtemps le stock principal et quasi total d'énergie qu'on utilisait c'était la biomasse pour notre énergie primaire et les besoins alimentaires, puis ensuite la combustion avec l'attraction animale. Pendant des siècles on a vécu avec des prélèvements dans le stock de biomasse. Mais en réalité la limite d'utilisation de ce stock c'était la capacité de renouvellement de la biomasse grâce à la photosynthèse.
Ensuite pendant un siècle et demi on a démesurément accru l'énergie qu'on allait chercher dans les stocks grâce à trois produits : le charbon, le pétrole et le fossile dont l’origine était la biomasse qui s'était fossilisée. Du coup on a envoyé un énorme choc dans le milieu naturel puisque ce que la nature avait mis des millions d’années à fabriquer en énergie fossile on l'a brûlé en 150 ans. D'où l'urgence climatique...
Donc tout ceci fait qu’on est au début de cette révolution du passage des énergies de stock vers les énergies de flux
Dans les énergies de flux qui ont été les premières à être utilisés, on a les flux hydrauliques et  les flux éoliens. Mais tous ces flux sur le plan énergétique sont dérivés d'un flux primaire qui est le flux solaire . Toute l'énergie qu'on utilise en fait vient de l'énergie solaire transformée par la photosynthèse. 
Et donc pour moi dans la révolution du passage des énergies de stock vers les énergies de flux l'énergie solaire est le maillon le plus important ...
L'habitabilité de la planète à moyen terme est complètement dépendante du rythme auquel on va être capable de faire cette bascule vers les énergies de flux.

C'est quoi les blocages et c'est quoi les facteurs d'accélération ? 
Le premier problème c'est les coûts. 
👉Sur le fossile vous partagez les coûts entre le coût de démarrage et puis ce n’est qu’ensuite, suivant l'évolution des prix, que vous allez pouvoir vous rendre compte au bout de 20 ou 30 combien ça a coûté.
👉Sur le nucléaire, il y a une partie des coûts qui sont au début parce que c'est très capitalistique mais ....on ne sait pas quand on  va s'arrêter de payer. Il y a une grande partie des couts qu'on repousse dans le futur :  les déchets... 
👉Sur le solaire vous payez tous les coups au démarrage et même des fois avant le démarrage parce que les  réseaux ne vont pas être adaptés à ce que vous pouvez faire...
Le deuxième problème c'est que les fossiles font de la résistance.
Nos sociétés sont quand même totalement incrusté de 150 ans de passé dans le développement des énergies fossiles donc il y en a des traces partout dans nos sociétés, dans nos représentations ... et si vous parlez d'énergie solaire à beaucoup de gens dans la rue : « c'est une énergie coûteuse, c’est une énergie intermittente »  ils ne voient pas du tout que le fossile est subventionné à des niveaux considérables. On parle beaucoup des aides publiques au renouvelable mais parlons un peu aussi des subventions aux énergies fossiles.
Pour sortir des énergies fossiles il faut soit reconvertir, soit enlever une grande partie du capital qui est lié à la production ou à la  consommation d'énergie fossile. Et comme on ne l’a pas provisionné, comme on l'a pas anticipé, c'est très difficile c'est très douloureux.

C'est tout le débat qu'il y a en ce moment sur le véhicule électrique. Tant que vous faites 5 à 10 % du marché avec le véhicule électrique, ça vient en plus, mais la vraie difficulté c'est quand il faut commencer à retirer complètement les véhicules qui fonctionnent avec le moteur à combustion.
C'est un point très important qu'on n’a pas du tout anticipé ni provisionné alors que la sortie de l'énergie fossile on l'a fait déjà pour l'arrêt du charbonnage...

Troisième point  les réseaux : les réseaux, ça a été dit, c'est connu si on ne fait pas suffisamment d'investissement dans les réseaux on va pas pouvoir utiliser toute l'énergie de flux même si effectivement  les modèles d'autoconsommation ont quand même besoin du réseau.
Dernier point, je le mets uniquement en dernier parce que c'est toujours mis en premier, bon effectivement il y a une difficulté sur l'intermittence. Cette difficulté sur l'intermittence elle est totalement surdimensionnée, souvent par des lobbies qui veulent ralentir la bascule vers l'énergie de flux. On a déjà beaucoup progressé avec la réduction du coût du stockage dans les batteries ..

Le photovoltaïque c'est la modularité par excellence. Vous pouvez utiliser une cellule PV pour recharger votre batterie. Cette modularité c'est je pense une force incroyable pour le déploiement. Cette modularité qui fait que vous soyez dans une grande métropole, dans un petit village vous êtes intermédiaire et on peut moduler complètement. On peut même moduler à l'intérieur, entre maisons, puis on peut ensuite moduler en bidirectionnel entre la voiture et le réseau. 

Il y a d'autres façons d'accélérer,  c'est de taxer plus le carbone. Si on avait un réel  renchérissement de  la taxation carbone, soit par des systèmes de quotas,  soit par des taxes, et qu’on renchérisse le coût d'utilisation des énergies fossiles sans verser la rente aux producteurs quand le prix du pétrole augmente. 
On est dans un cercle infernal puisqu’effectivement vous découragez la consommation mais vous encouragez les producteurs. 
Donc ça serait aussi un mécanisme d'accélération formidable si on était capable de redistribuer. C’est un problème de redistribution, c'est parce qu’on ne sait pas redistribuer le produit des taxes ou des marchés de quota, qu’on ne peut pas aller plus vite.


lundi 30 septembre 2024

Présentation projet CER & ACC


    Le projet de Communauté d’Energie renouvelable (CER) s’inscrit dans la droite ligne des objectifs de « territoire à énergie positive » du Plan Climat Air Énergie Territorial de Grand Auch Cœur de Gascogne (GACG).
    Favoriser l’efficacité énergétique et le déploiement d’énergies renouvelables en y associant les communes et leurs habitants.
De multiples initiatives de production d’électricité photovoltaïque, collectives ou individuelles mais la plupart du temps isolées, ont vu le jour ces dernières années sur notre territoire. Leur retour d’expérience confirme l’important potentiel énergétique solaire de nos toitures et espaces artificialisés (parkings, friches et bâtiments industriels …) prouvant ainsi l’intérêt de nos concitoyens, lorsqu’ils en ont les moyens financiers, pour ces démarches vertueuses . Toutefois cet intérêt est évidemment limité (< 50% d’autoconsommation) par l’aspect intermittent de ce type de production et suppose donc le recours à des moyens complémentaires pour accroitre le niveau d’autonomie énergétique. 
C’est à cette fin qu’est envisagée la création d’une Communauté d’énergie renouvelable ( art L291 du code de l’énergie ) permettant de produire, partager, stocker et vendre l’énergie produite et mutualisée par les différents acteurs regroupés dans des boucles d’autoconsommation collective. 
Conçue sur le mode associatif cette initiative d’économie sociale nécessite un recours à des compétences pour « manager » les aspects techniques de la démarche et l’animation du territoire afin d’en faciliter l’accès au plus grand nombre de nos concitoyens; c’est aussi pourquoi cette CER assurera la fonction de personne morale organisatrice pour le compte des différentes boucles intercommunales d’ACC. Le succès d’une telle démarche nécessitant l’adhésion d’un nombre régulièrement croissant de participants, pour atteindre le seuil d’équilibre économique, suppose de pouvoir s’appuyer sur des relais locaux à l’échelon communal.       

Quels retours attendre de la démarche :
  • En premier lieu s’extraire le plus possible de la dépendance aux énergies fossiles en augmentant le taux de production d’énergie renouvelable (essentiellement photovoltaïque pour ce qui concerne GACG)
  • Alléger la facture énergétique des collectivités, entreprises et citoyens en se protégeant de la spéculation sur le coût de l’énergie.
  • Accompagner la transition vers des transports décarbonés et la sobriété énergétique; pour un même trajet le véhicule électrique consomme 4 fois moins d’énergie et rend encore plus vertueux le covoiturage ou l’autopartage.
  • Production et consommation en circuit court, outre la sensibilisation au potentiel des ENR, favorisent des comportements énergétiques plus vertueux et l’apprentissage de pratiques mutualistes et coopératives.
  • Ces démarches collectives auront également un intérêt économique en permettant le recours à des groupement d’achat pour faciliter les investissements en faveur de la transition énergétique. 
  • L’abandon progressif des énergies polluantes conjugué avec le pas, ou peu, de prédation de ressources naturelles seront bénéfiques au plan environnemental comme le futur recyclage des composants utilisés par les technologies photovoltaïques et électromobiles.
  • Bénéfique également pour les territoires la valorisation photovoltaïque des toitures et zones artificialisées.

samedi 28 septembre 2024

Daniel Bour et Emmanuelle Wargon en ouverture de la 7ème Université de l’Autoconsommation d’Enerplan.


Emmanuelle Wargon, Présidente de la Commission de Régulation de l'Energie (CRE) : "... il fallait vraiment qu'on embrasse ce sujet de l'autoconsommation, il existe, il est important. Sur l'autoconsommation individuelle à la fois parce que c'est une source de développement et, à la fois pour les raisons que je vous indiquait, parce que je pense que c'est une bonne manière de de faire toucher du doigt à chacun la transition écologique. Et sur l'autoconsommation collective parce que ça peut être un élément très important d'un projet de territoire dans lequel vous avez de la production, des changements de comportement, là aussi un engagement de collectivité et d'un collectif qui a envie de d'être vraiment acteur de cette transition ...
    Et de conclure que l’autoconsommation, « c’est aussi un moyen pour nos concitoyens de maîtriser leurs factures…ce sont des entreprises, des collectivités, des citoyens qui finalement sont aux avant-postes des évolutions des usages, et que l’on a un lien évident avec la voiture électrique et avec la flexibilité »."

jeudi 1 août 2024

Extraits de la table ronde lors de la dernière AG du pôle DERBI


Extrait des propos de M. Andre JOFFRE, Président du Pôle de compétitivité DERBI 

" En région on n’a pas le même le même sentiment que ce que vous pouvez avoir à Paris avec la proximité des décideurs… 
Pour revenir sur des choses concrètes, en fait, les progrès qui ont été faits sur notamment les prix du kWh solaire produits, il ne faut pas oublier qu'il y a deux raisons ce sont :
d'une part la massification des productions de panneaux solaires, et comme on est sur des produits à faible contenu minier et sans matière première coûteuse, plus on en fabrique plus les prix baissent ; c'est l'industrie de transformation. 
et puis le deuxième aspect c'est l’augmentation les rendements des panneaux et ça c'est de l'innovation 
Ce sont les deux jambes des progrès qui ont été faits, et à l’usine de Fos sur mer par exemple on verra une technologie nouvelle s'implémenter et ça sera très important. 

Le panneau solaire, finalement, ne va représenter qu'une toute petite partie du prix des installations.
    A terme ça ne coûtera presque plus rien et en fait ce n'est plus la production d'électrons qui va coûter de l'argent mais plutôt sa mise en œuvre, sa valorisation et ça c'est véritablement le métier de toutes ces entreprises qui vont se créer. 
    D'ici là en 2030 ce sont aussi les gens qui vont permettre d’optimiser la recherche sur la capacité de stockage des batteries de voitures etc…
Il y a plein de métiers, d'ingénierie et, d'une façon générale, par le rapprochement du digital et de l'énergie, qui sont les fondamentaux de Derbi depuis presque 20 ans qu'on travaille sur ces questions là. 
 C’est véritablement là qu'il va y avoir la plus grande valeur ajoutée. 
Il y aura bien sûr les grandes centrales de production, mais il va y avoir tous ces usages qui vont faire qu'on utilisera plus l'électricité sur place ,sur les lieux de production, avec l'autoconsommation mais aussi l'autoconsommation collective, les communautés d'énergies renouvelables. 
Tout ça va permettre d'éviter de transporter d'électricité et c'est cette piste là qui va être génératrice de beaucoup de création d'entreprise et de leur développement.

    J'ai entendu l'autre jour le ministre à Manosque dire « Vous savez le solaire c'est des trucs, ça se passe dans le mois ! Faire une installation solaire c'est une question de semaines, de mois alors que le nucléaire c'est une question d'années voire de décennies ! »  Avant c'étaient les opposants au nucléaire qui disaient ça ; il faut bien reconnaître quand même que c'est quand même pas mal et quand il annonce effectivement 6 GW d'installation par an, ça parle quoi, je veux dire que ça serait difficile de revenir en arrière. Qu'on soit passé d’un objectif de 100 GW non pas en 2050 mais en 2035 c'est quand même un progrès et  je pense qu'on fera mieux que ça. Messieurs des réseaux il faut vous y préparer on va faire mieux !  Pourquoi ?

Le solaire va être une banalité et même une commodité.

    On va construire des toits et quand on construira un toit il sera forcément solaire parce que ça coûtera moins cher qu’un toit en tuile. Ce qui va se passer après c'est très simple, ce n'est que de l'usage, et il y aura peut-être des panneaux solaires qui seront installés et qui seront pas raccordés parce que tout simplement on va avoir une profusion, une abondance de kWh, d'électrons et toute la difficulté va être d’en d'optimiser l'usage qu'on va en faire. 

    C'est ça le vrai sujet. C'est le vrai boulot qu'on a à faire nous à Derbi c'est d'inventer un peu de ce monde qui va venir. Et par exemple on a l'opportunité d'avoir, en 2030, 2 millions de véhicules ça fait 100 GWh de batterie qui seront disponibles et vous avez vu que la nouvelle Renault 5 qui sort est une voiture à charge bidirectionnelle. Elle va permettre de faire plein de choses et il ne faut pas laisser à Tesla le soin de le faire alors que nous avons en France toutes les capacités pour inventer ce type de choses. Donc voilà il faut il faut y aller quoi ! c'est le moment !




vendredi 5 juillet 2024

Solaire photovoltaïque : l’énergie de flux qui change la donne ( Christian de Perthuis )

Source : The Economist, édition du 22 juin 2024

Dans son édition du 22 juin, The Economist consacre une série d’articles à la montée en régime de l’énergie solaire. L’occasion de revenir sur le rôle crucial de cette énergie amenée à devenir, d’ici quelques décennies, la première source d’énergie primaire utilisée dans le monde (actuellement 1% pour un peu plus de 5% de l’électricité mondiale produite).

Une troublante série d’erreurs de prévisions

En 2009, les experts de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipaient que les capacités solaires installées dans le monde allaient atteindre 244 GW en 2030 (contre 23 GW en 2009). Les 244 GW furent atteints dès 2016. Les projections de Greenpeace – 921 GW en 2030 – étaient alors considérées par la majorité des experts comme un fantasme irréaliste de militants écolos. Elles ont pourtant été dépassées dès 2023 où ces capacités ont atteint 1400 GW !

En matière de projection d’énergie solaire, cela fait 25 ans que les experts se trompent lourdement. Ils sous-estiment le rythme du déploiement de cette énergie, révisent ensuite leurs chiffres à la hausse, pour être à nouveau dépassés quelques années plus tard comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Source : The Economist, 20 juin 2024


La cause de ce biais systématique ? Une mauvaise anticipation de la baisse spectaculaire des coûts de production du photovoltaïque et du stockage de l’électricité.

Changement d’échelle de production et effondrement des coûts.

L’effondrement des coûts du photovoltaïque est une donnée majeure. En 2015, au moment de l’adoption de l’Accord de Paris, le coût de production moyen du MWh d’origine photovoltaïque était estimé à un peu plus de 120 $ contre 50 à 75 $ pour le MWh produit à partir du charbon. Aujourd’hui, il est inférieur à 40 $ alors que celui provenant de la combustion du charbon a plutôt augmenté du fait de la hausse des cours.

Cette baisse ne traduit pas une rupture technologique. Pour le photovoltaïque, l’innovation de rupture consistant à récupérer l’énergie présente dans le flux solaire irradiant la planète remonte à la seconde moitié du XIX° siècle. Les premiers panneaux photovoltaïques ont été testés sur des toits de Manhattan dès la décennie 1880.

Panneau photovoltaïque installé en 1884 par Charles Fritts à Manhattan

Fonctionnant au sélénium, leur conception était manifestement artisanale (voir photo). Leur rendement énergétique était très faible et le KWh obtenu horriblement coûteux. Tant que subsistera cette barrière prohibitive des coûts, l’innovation de rupture consistant à convertir le flux solaire en énergie électrique n’aura pas d’impact sur le fonctionnement du système énergétique.

Durant les deux dernières décennies, c’est le changement d’échelle dû à l’industrialisation des procédés qui a changé la donne. Cette industrialisation concerne la production de polysilicium (produit à partir du quartz, une matière disponible en abondance à la surface du globe) fournissant l’ingrédient de base des modules solaires, comme la fabrication des panneaux eux-mêmes. Et tout laisse penser que ces baisses de coût ne sont pas près de s’infléchir.

La Chine et les autres

Concernant le polysilicium utilisé par l’industrie solaire, les fonderies chinoises fournissent 93% du marché mondial. Les craintes de pénurie apparues pendant l’épidémie du COVID ont provoqué une remontée temporaire des cours (voir graphique) et une vague majeure d’investissement. Les deux sociétés leader, GCL-Poly et Tongwei, disposaient de capacités suffisantes pour couvrir l’intégralité de la demande mondiale en 2023. A la suite de leurs investissements massifs (3,9 milliards de dollars pour Tongwei pour une seule fonderie), on estime que la Chine sera bientôt capable de fournir de quoi installer chaque année une puissance de 3500 GW de solaire (environ 5 fois la capacité qui sera installée dans le monde en 2024).

Source : The Economist
La domination mondiale de l’industrie chinoise des panneaux photovoltaïques est moindre : elle ne contrôle que de l’ordre de 80 % de l’offre mondiale. Depuis 2021, cette industrie a triplé sa capacité de production qui a atteint de l’ordre de 1000 GW en 2023. C’est une industrie en pleine consolidation du fait de la guerre des prix interne. Sa suprématie est contestée par les Etats-Unis et l’Union européenne qui ont érigé des barrières douanières. Cette consolidation devrait conduire à une réduction du nombre des industriels chinois mais pas à celle de leur capacité de production qui pourrait atteindre de l’ordre de 1700 GW en 2026.

La fabrication des batteries permettant de stocker l’électricité, a connu durant les deux dernières décennies un révolution identique des coûts de production qui ont diminué à un rythme similaire à celui des panneaux photovoltaïques. Pour les mêmes raisons : l’élargissement de l’échelle de production obtenu grâce à l’industrialisation des procédés. Ici encore, la dynamique de départ a été largement portée par la Chine, mais les industries américaine et européenne y défendent mieux leur position que sur le photovoltaïque.

La disponibilité de moyens de stockage constitue, avec la gestion intelligente de la demande sur les réseaux électriques, une réponse à l’intermittence qui limiterait sinon l’intérêt de la source solaire.

Le potentiel de croissance du solaire est devant nous

C’est connu, toute croissance exponentielle est amenée un jour à s’infléchir. Ce sera le cas de l’industrie solaire à terme. Mais cette inflexion ne devrait se produire que lorsque le photovoltaïque aura pris la place de première source d’énergie utilisée dans le monde, sans doute durant la décennie 2040. D’ici là, trois puissants facteurs devraient contribuer à son déploiement rapide et peut-être encore sous-estimé :

  • La poursuite de la baisse des coûts pour les raisons précédemment évoquées ; 
  • l’élargissement de la pénétration du solaire dans les immenses zones du Sud à fort ensoleillement où il est encore peu ou pas présent (voir carte ci-dessus) ; 
  • La facilité d’installation de cette nouvelle source d’énergie et surtout sa modularité qui permet au photovoltaïque aussi bien des utilisations décentralisées individuelles ou collectives que des productions massives dans des fermes géantes pouvant être connectées à des réseaux de transport de longue distance.

Cette projection du rôle de l’énergie solaire dans le futur, pose la question de la place des autres moyens de production d’énergie décarbonée dans le mix énergétique de demain, et en particulier celle du nucléaire qui ne connaît pas de baisses similaires de coûts. Une question qu’il faudra bien un jour discuter de façon non polémique en France, en intégrant toutes les informations sur la révolution que nous promet le basculement du système énergétique vers les énergies de flux.

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Note pour le lecteur : tous les chiffres utilisés dans cet article sont tirés du dossier de The Economist.

Lire le dossier de The Economist (accès réservé) : ICI

Lire l’article de The Economist sur l’industrie chinoise (accès réservé) : ICI


NDLR : Cet article est a été publié sur le blog de Christian de Perthuis professeur associé d’économie à l’université Paris-Dauphine , où il a fondé en 2009 la Chaire économie du climat (CEC).