vendredi 5 juillet 2024

Solaire photovoltaïque : l’énergie de flux qui change la donne ( Christian de Perthuis )

Source : The Economist, édition du 22 juin 2024

Dans son édition du 22 juin, The Economist consacre une série d’articles à la montée en régime de l’énergie solaire. L’occasion de revenir sur le rôle crucial de cette énergie amenée à devenir, d’ici quelques décennies, la première source d’énergie primaire utilisée dans le monde (actuellement 1% pour un peu plus de 5% de l’électricité mondiale produite).

Une troublante série d’erreurs de prévisions

En 2009, les experts de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipaient que les capacités solaires installées dans le monde allaient atteindre 244 GW en 2030 (contre 23 GW en 2009). Les 244 GW furent atteints dès 2016. Les projections de Greenpeace – 921 GW en 2030 – étaient alors considérées par la majorité des experts comme un fantasme irréaliste de militants écolos. Elles ont pourtant été dépassées dès 2023 où ces capacités ont atteint 1400 GW !

En matière de projection d’énergie solaire, cela fait 25 ans que les experts se trompent lourdement. Ils sous-estiment le rythme du déploiement de cette énergie, révisent ensuite leurs chiffres à la hausse, pour être à nouveau dépassés quelques années plus tard comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Source : The Economist, 20 juin 2024


La cause de ce biais systématique ? Une mauvaise anticipation de la baisse spectaculaire des coûts de production du photovoltaïque et du stockage de l’électricité.

Changement d’échelle de production et effondrement des coûts.

L’effondrement des coûts du photovoltaïque est une donnée majeure. En 2015, au moment de l’adoption de l’Accord de Paris, le coût de production moyen du MWh d’origine photovoltaïque était estimé à un peu plus de 120 $ contre 50 à 75 $ pour le MWh produit à partir du charbon. Aujourd’hui, il est inférieur à 40 $ alors que celui provenant de la combustion du charbon a plutôt augmenté du fait de la hausse des cours.

Cette baisse ne traduit pas une rupture technologique. Pour le photovoltaïque, l’innovation de rupture consistant à récupérer l’énergie présente dans le flux solaire irradiant la planète remonte à la seconde moitié du XIX° siècle. Les premiers panneaux photovoltaïques ont été testés sur des toits de Manhattan dès la décennie 1880.

Panneau photovoltaïque installé en 1884 par Charles Fritts à Manhattan

Fonctionnant au sélénium, leur conception était manifestement artisanale (voir photo). Leur rendement énergétique était très faible et le KWh obtenu horriblement coûteux. Tant que subsistera cette barrière prohibitive des coûts, l’innovation de rupture consistant à convertir le flux solaire en énergie électrique n’aura pas d’impact sur le fonctionnement du système énergétique.

Durant les deux dernières décennies, c’est le changement d’échelle dû à l’industrialisation des procédés qui a changé la donne. Cette industrialisation concerne la production de polysilicium (produit à partir du quartz, une matière disponible en abondance à la surface du globe) fournissant l’ingrédient de base des modules solaires, comme la fabrication des panneaux eux-mêmes. Et tout laisse penser que ces baisses de coût ne sont pas près de s’infléchir.

La Chine et les autres

Concernant le polysilicium utilisé par l’industrie solaire, les fonderies chinoises fournissent 93% du marché mondial. Les craintes de pénurie apparues pendant l’épidémie du COVID ont provoqué une remontée temporaire des cours (voir graphique) et une vague majeure d’investissement. Les deux sociétés leader, GCL-Poly et Tongwei, disposaient de capacités suffisantes pour couvrir l’intégralité de la demande mondiale en 2023. A la suite de leurs investissements massifs (3,9 milliards de dollars pour Tongwei pour une seule fonderie), on estime que la Chine sera bientôt capable de fournir de quoi installer chaque année une puissance de 3500 GW de solaire (environ 5 fois la capacité qui sera installée dans le monde en 2024).

Source : The Economist
La domination mondiale de l’industrie chinoise des panneaux photovoltaïques est moindre : elle ne contrôle que de l’ordre de 80 % de l’offre mondiale. Depuis 2021, cette industrie a triplé sa capacité de production qui a atteint de l’ordre de 1000 GW en 2023. C’est une industrie en pleine consolidation du fait de la guerre des prix interne. Sa suprématie est contestée par les Etats-Unis et l’Union européenne qui ont érigé des barrières douanières. Cette consolidation devrait conduire à une réduction du nombre des industriels chinois mais pas à celle de leur capacité de production qui pourrait atteindre de l’ordre de 1700 GW en 2026.

La fabrication des batteries permettant de stocker l’électricité, a connu durant les deux dernières décennies un révolution identique des coûts de production qui ont diminué à un rythme similaire à celui des panneaux photovoltaïques. Pour les mêmes raisons : l’élargissement de l’échelle de production obtenu grâce à l’industrialisation des procédés. Ici encore, la dynamique de départ a été largement portée par la Chine, mais les industries américaine et européenne y défendent mieux leur position que sur le photovoltaïque.

La disponibilité de moyens de stockage constitue, avec la gestion intelligente de la demande sur les réseaux électriques, une réponse à l’intermittence qui limiterait sinon l’intérêt de la source solaire.

Le potentiel de croissance du solaire est devant nous

C’est connu, toute croissance exponentielle est amenée un jour à s’infléchir. Ce sera le cas de l’industrie solaire à terme. Mais cette inflexion ne devrait se produire que lorsque le photovoltaïque aura pris la place de première source d’énergie utilisée dans le monde, sans doute durant la décennie 2040. D’ici là, trois puissants facteurs devraient contribuer à son déploiement rapide et peut-être encore sous-estimé :

  • La poursuite de la baisse des coûts pour les raisons précédemment évoquées ; 
  • l’élargissement de la pénétration du solaire dans les immenses zones du Sud à fort ensoleillement où il est encore peu ou pas présent (voir carte ci-dessus) ; 
  • La facilité d’installation de cette nouvelle source d’énergie et surtout sa modularité qui permet au photovoltaïque aussi bien des utilisations décentralisées individuelles ou collectives que des productions massives dans des fermes géantes pouvant être connectées à des réseaux de transport de longue distance.

Cette projection du rôle de l’énergie solaire dans le futur, pose la question de la place des autres moyens de production d’énergie décarbonée dans le mix énergétique de demain, et en particulier celle du nucléaire qui ne connaît pas de baisses similaires de coûts. Une question qu’il faudra bien un jour discuter de façon non polémique en France, en intégrant toutes les informations sur la révolution que nous promet le basculement du système énergétique vers les énergies de flux.

*****

Note pour le lecteur : tous les chiffres utilisés dans cet article sont tirés du dossier de The Economist.

Lire le dossier de The Economist (accès réservé) : ICI

Lire l’article de The Economist sur l’industrie chinoise (accès réservé) : ICI


NDLR : Cet article est a été publié sur le blog de Christian de Perthuis professeur associé d’économie à l’université Paris-Dauphine , où il a fondé en 2009 la Chaire économie du climat (CEC).


lundi 27 mai 2024

Présentation projet CER & ACC


    Le projet de Communauté d’Energie renouvelable (CER) s’inscrit dans la droite ligne des objectifs de « territoire à énergie positive » du Plan Climat Air Énergie Territorial de Grand Auch Cœur de Gascogne (GACG).
    Favoriser l’efficacité énergétique et le déploiement d’énergies renouvelables en y associant les communes et leurs habitants.
De multiples initiatives de production d’électricité photovoltaïque, collectives ou individuelles mais la plupart du temps isolées, ont vu le jour ces dernières années sur notre territoire. Leur retour d’expérience confirme l’important potentiel énergétique solaire de nos toitures et espaces artificialisés (parkings, friches et bâtiments industriels …) prouvant ainsi l’intérêt de nos concitoyens, lorsqu’ils en ont les moyens financiers, pour ces démarches vertueuses . Toutefois cet intérêt est évidemment limité (< 50% d’autoconsommation) par l’aspect intermittent de ce type de production et suppose donc le recours à des moyens complémentaires pour accroitre le niveau d’autonomie énergétique. 
C’est à cette fin qu’est envisagée la création d’une Communauté d’énergie renouvelable ( art L291 du code de l’énergie ) permettant de produire, partager, stocker et vendre l’énergie produite et mutualisée par les différents acteurs regroupés dans des boucles d’autoconsommation collective. 
Conçue sur le mode associatif cette initiative d’économie sociale nécessite un recours à des compétences pour « manager » les aspects techniques de la démarche et l’animation du territoire afin d’en faciliter l’accès au plus grand nombre de nos concitoyens; c’est aussi pourquoi cette CER assurera la fonction de personne morale organisatrice pour le compte des différentes boucles intercommunales d’ACC. Le succès d’une telle démarche nécessitant l’adhésion d’un nombre régulièrement croissant de participants, pour atteindre le seuil d’équilibre économique, suppose de pouvoir s’appuyer sur des relais locaux à l’échelon communal.       

Quels retours attendre de la démarche :
  • En premier lieu s’extraire le plus possible de la dépendance aux énergies fossiles en augmentant le taux de production d’énergie renouvelable (essentiellement photovoltaïque pour ce qui concerne GACG)
  • Alléger la facture énergétique des collectivités, entreprises et citoyens en se protégeant de la spéculation sur le coût de l’énergie.
  • Accompagner la transition vers des transports décarbonés et la sobriété énergétique; pour un même trajet le véhicule électrique consomme 4 fois moins d’énergie et rend encore plus vertueux le covoiturage ou l’autopartage.
  • Production et consommation en circuit court, outre la sensibilisation au potentiel des ENR, favorisent des comportements énergétiques plus vertueux et l’apprentissage de pratiques mutualistes et coopératives.
  • Ces démarches collectives auront également un intérêt économique en permettant le recours à des groupement d’achat pour faciliter les investissements en faveur de la transition énergétique. 
  • L’abandon progressif des énergies polluantes conjugué avec le pas, ou peu, de prédation de ressources naturelles seront bénéfiques au plan environnemental comme le futur recyclage des composants utilisés par les technologies photovoltaïques et électromobiles.
  • Bénéfique également pour les territoires la valorisation photovoltaïque des toitures et zones artificialisées.

jeudi 11 avril 2024

GROUPEE 4.0 *: Une expérimentation innovante intégrant le recours au VE au V2H dans l'autoconsommation collective.


Une expérimentation innovante* dans les Hauts-de-France qui combine mobilité électrique et autoconsommation collective. Le projet Groupee 4.0 est mené par le bailleur social Partenord Habitat, l’école des Arts et Métiers, Enedis et EDF, et financé par l’ADEME et la Région Hauts-de-France. En plus d’une production photovoltaïque en autoconsommation, le projet a mis à disposition des locataires un service d’autopartage avec un véhicule électrique et une borne de recharge bidirectionnelle permettant à la batterie du véhicule de stocker de l’énergie en fonction de la production des PV et de la restituer en fonction des besoins du bâtiment et des logements participants. Le choix d’intégrer un service d’autopartage doté de la technologie « vehicule-to-grid » est issu des différents scénarios testés par la plateforme EPMLAB des Arts et Métiers de Lille. 
Lancé fin 2020, le projet a d’abord mis en place l’autoconsommation collective pour couvrir les besoins des parties communes des immeubles d’habitation, avec une installation photovoltaïque de 16 kWc. Le service d’autopartage a été proposé aux résidents à des conditions tarifaires modérées à partir de 2021. La recharge bidirectionnelle (V2G) a été activée en octobre 2022, puis 6 foyers ont intégré l’opération en janvier 2023. Dans cette configuration, un scénario intégrant au maximum 10 foyers et l’autopartage du véhicule électrique avec le mode V2G prévoit une autoconsommation annuelle de 60%, incluant une augmentation de 20% grâce au dispositif V2G. Ce taux peut sembler bas, mais il s’explique en raison du faible nombre de participants. L’autoproduction (la part de la consommation des participants couverte par la production des PV de l’opération) est quant à elle de 40%, ce qui permet une réduction de la facture électrique globale du démonstrateur de 28%. Pour atteindre un taux proche de 100% d’autoconsommation, il faudrait augmenter le nombre de participants, même si cela implique de baisser le taux d’autoproduction de chaque participant. À noter que la clé de répartition donne la priorité aux parties communes, puis au véhicule, l’énergie restante étant redistribuée aux locataires. Concernant la rentabilité du projet, elle est estimée à 23 ans sans subventions, et à 12 ans grâce aux financements publics obtenus. Il faut aussi noter que l’empreinte carbone de l’installation est couverte en 11 ans. Le service de mobilité électrique en auto-partage notamment divise par 10 les émissions de CO2 pour les parcours en ville (et par 32 le coût du km). Parmi les difficultés évoquées par les chercheurs de Campus Arts et Métiers de Lille interrogés, le recrutement et l’implication des locataires a nécessité une communication importante et soutenue du bailleur et de ses partenaires. 

*Commentaires extraits du livre blanc rédigé par un groupe de travail dédié de l’association Think Smartgrids, impliquant une trentaine de membres, en collaboration avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) , partenaire de l’association. 

jeudi 4 avril 2024

Autoconsommation photovoltaïque : "Il est temps de sonner la mobilisation générale"

Pour Laetitia Brottier, vice-présidente d’Enerplan, « L’autoconsommation coche toutes les cases : de l’énergie moins chère et décarbonée, de l’autonomie et de la sécurité d’approvisionnement. Le bouclier tarifaire le plus solide, c’est l’autoconsommation : les ménages l’ont bien compris, leur engouement en est la preuve. A l’heure où le retard de la France dans le déploiement des renouvelables est patent, alors que nous sommes très loin de nos voisins européens sur l’équipement solaire des toitures, il est temps de sonner la mobilisation générale. Non seulement pour réduire les factures, non seulement pour réduire nos consommations d’énergies fossiles, mais aussi pour créer les emplois de la transition énergétique. »

mercredi 13 mars 2024

Le soleil au service de l’humanité, un engagement citoyen et collectif (Tribune de Daniel Lincot et Jean Jouzel)

 Le soleil au service de l’humanité,  un engagement citoyen et collectif  

(Tribune de Daniel Lincot et Jean Jouzel)

    Le 12 décembre 2023, le Collège de France a accueilli la conférence : « Énergie solaire, urgence climatique et engagement collectif », pour le cinquantième anniversaire du congrès organisé à l’UNESCO en 1973 « Le soleil au service de l’homme ». 

    Alors que la COP28 se concluait à Dubaï sur un bilan mitigé, avec néanmoins quelques avancées, les acteurs des énergies renouvelables (EnR) en France et au-delà se sont réunis pour témoigner de l’immense enjeu auquel ces énergies répondent face à l’urgence climatique, de l’essor scientifique, industriel et économique de ces technologies depuis 50 ans ainsi que des engagements des citoyens et de leurs élus pour que ces énergies soient au cœur du développement de notre société (1). 

    Il y a 50 ans, alors que les applications de l’énergie solaire se cantonnaient aux usages du spatial et quelques sites isolés, les pionniers des EnR étaient visionnaires en affirmant qu’elles pourraient contribuer de façon majeure à l’énergie utilisée par l’humanité. Si le chemin a été jalonné d’embûches et d’atermoiements, les résultats sont à la hauteur de leurs ambitions. Les investissements annuels dans les EnR électriques au niveau mondial dépassent désormais les investissements réalisés dans toute forme d’énergie, comme le souligne l’Agence Internationale de l’Énergie. En 2023, d’après cette agence, les ajouts de nouvelles capacités EnR électriques ont crû de 50 % par rapport à 2022 et totalisent 510 GW de capacités installées. Les trois quarts de cette augmentation proviennent du solaire photovoltaïque (2).

Fin 2023, plus de 400 000 foyers sont autoconsommateurs d’énergie solaire photovoltaïque en France, dont 200 000 pour la seule année 2023 et, selon RTE, ce chiffre devrait, d’ici 2030, atteindre 4 millions de foyers soit 13 % des ménages français. Les raccordements photovoltaïques ont augmenté de 30 % entre 2022 et 2023 selon Enedis. Ce chiffre témoigne de l’engouement des Français pour cette énergie et montre que les EnR sont aussi une affaire de citoyens. Ces derniers s’engagent concrètement dans leur approvisionnement énergétique pour ne plus rester simples consommateurs d’électricité centralisée. 

    Cette implication individuelle des citoyens dans l’énergie solaire se conjugue avec une forte croissance des projets solaires et éoliens portés par des collectifs de citoyens. Ces initiatives locales sont maintenant appuyées par une association nationale, « Énergie Partagée », qui leur apporte un soutien technique et financier. 338 projets citoyens ont été labellisés, totalisant près de 700 MW de puissance installée à ce jour et 100 millions d’euros d’investissement. 30 400 citoyens et 825 collectivités sont membres de sociétés locales qui portent ces projets, qui bénéficient en outre de l’investissement financier des 7 400 actionnaires d’Énergie Partagée Investissement (3). 

    Mais les citoyens ne sont pas les seuls à s’engager. Les collectivités locales sont également le fer de lance du déploiement des EnR dans leur territoire. En créant des sociétés de projets dédiées et en investissant dans ces projets, elles deviennent des acteurs essentiels de la transition énergétique. En réservant les zones de leur territoire propices à l’accélération des EnR dans lecadre de la loi de 2023, elles assurent la maîtrise d’ouvrage de leur avenir énergétique. 

    En s’engageant ainsi pour les EnR, ces acteurs de terrain ne s’y trompent pas. Les EnR sont désormais les énergies les plus compétitives pour la production d’électricité : moins coûteuses que les énergies fossiles qui doivent disparaître de notre mix énergétique, ou que le nucléaire. Ainsi, dans les derniers appels d’offres de la CRE, le prix de l’électricité issue des centrales solaires est de l’ordre de 80 €/MWh (4) , et il peut descendre à 20 €/ MWh dans certains pays du monde. D’ici à 2035, les EnR sont les seules capables d’augmenter nos capacités de production d’électricité décarbonée. L’urgence climatique, c’est maintenant ! 

    Cette rationalité économique est bien comprise par les acteurs industriels, présents sur les marchés concurrentiels de l’énergie. La division en 10 ans du prix du solaire et de l’éolien par un facteur supérieur à 10 réduit considérablement les incertitudes sur la volatilité des prix de l’énergie. En France, les investissements dans les EnR se développent à un rythme accéléré en créant des emplois et se multiplieront pour peu que les pouvoirs publics intègrent ces dynamiques industrielles dans leurs exercices de planification énergétique. Cette dynamique se conjugue aujourd’hui avec celle du stockage par les batteries et l’hydrogène, répondant ainsi à la question de la gestion de la variabilité, à la fois à court terme et en intersaisonnier, à laquelle il faut aussi ajouter les progrès du réseau électrique, permettant un pilotage instantané des flux électriques sur l’ensemble du territoire. Ces trois pôles, EnR, stockage et pilotage intelligent, se complètent et créent une opportunité exceptionnelle et nouvelle pour la transition énergétique. 

    La conférence du Collège de France a également montré la dynamique scientifique et technologique. Les recherches et les développements conduits dans les laboratoires par les chercheurs et les entreprises donneront lieu à des innovations dans les toutes prochaines années. Les baisses de coûts et l’amélioration des rendements se traduiront par une compétitivité encore plus affirmée. La communauté scientifique et technologique française était visionnaire en 1973 : les énergies renouvelables sont, maintenant, un atout majeur dans la compétition internationale. 

    Cette conférence a aussi rappelé l’importance d’associer la progression des moyens techniques à une évolution de nos comportements individuels et de nos perceptions sociales, combinant l’essor des EnR avec l’efficacité énergétique, et au-delà à une gestion durable de la demande d’énergie, qui ne doit pas se traduire par un effet rebond. 

    Les EnR sont, enfin, un facteur d’atténuation des tensions géopolitiques et migratoires dans le monde. En autoproduisant l’énergie qu’elles consomment, les nations s’affranchissent de leurs dépendances aux combustibles vis-à-vis des pays exportateurs et de leurs prix internationaux.  Le déploiement de l’accès aux énergies renouvelables dans les pays en développement, notamment pour les 600 millions d’habitants en Afrique subsaharienne qui en sont dépourvus, suscite des activités génératrices de revenus et d’emplois dont le déficit est le principal facteur d’exode rural et de migrations internationales. Ainsi, les EnR constituent l’un des supports du destin durable commun de l’Europe et de l’Afrique. 

    Il a fallu 50 ans pour démontrer que les ambitions des pionniers des énergies renouvelables étaient fondées. Nous n’avons plus un tel délai pour limiter le changement du climat avant qu’il ne soit trop tard. Les solutions sont là, disponibles, accessibles, compétitives et proches des citoyens. La principale question est celle de la mobilisation de tous. L’appel de la conférence du Collège de France est bien celui d’un engagement collectif pour que les énergies issues du soleil soient au service de l’humanité.

Notes 

  1. Site web : https://www.soleilethumanite.com/.  Texte de l’appel à agir ensemble et signature : https://www. soleilethumanite.com/appel-a-agir/. 
  2. IEA, Renewables 2023, Executivesummary-WorldEnergyOutlook2023.pdf (windows.net)
  3. Site web : https://energie-partagee.org/
  4. Délibération de la CRE N° 2023-217 du 31 août 2023.

Biographies 

Daniel Lincot est directeur de recherche émérite au CNRS sur l’énergie solaire photovoltaïque (PV). Entré au CNRS à Chimie Paristech en 1980, il se consacre à la photoélectrochimie des semi-conducteurs, puis à l’élaboration de couches minces pour les applications PV. Il contribue avec EDF à la création de l’Institut de recherche et de développement sur l’énergie PV (IRDEP 2005-2018). En 2013, il participe au lancement de l’Institut PV d’Île-de-France (IPVF) dont il sera directeur scientifique jusqu’en juillet 2019. Professeur invité au Collège de France dans la chaire innovation technologique Liliane Bettencourt 2021-2022 sur le thème « Énergie solaire PV et transition énergétique », il est élu en 2024 à l’Académie des technologies. 3. 4. Site web : https://energie-partagee.org/. Délibération de la CRE N° 2023-217 du 31 août 2023.

Jean Jouzel est un paléoclimatologue français, directeur de recherche émérite au CEA. En 1987, avec Claude Lorius, il publie la première étude établissant formellement le lien entre concentration de CO2 dans l’atmosphère et réchauffement climatique. En 1994,  il est nommé membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et assure de 2002 à 2015 la vice-présidence du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique. Mondialement reconnu pour ses travaux sur l’évolution du climat et lauréat de nombreuses distinctions scientifiques, parmi lesquelles la médaille d’or du CNRS et le prix Vetlesen, il est membre des Académies des sciences de France, d’Italie, d’Europe, des États-Unis et d’Australie.