mardi 5 novembre 2024

Christian de Perthuis lors de l'Université de l'autoconsommation 2024 d'ENERPLAN.


Quelques extraits de cette édifiante contribution de l'économiste du climat Christian de Perthuis:

"On est engagé dans une révolution majeure, cette révolution c'est la bascule des énergies de stock vers les énergies de flux. ...   Pendant très longtemps le stock principal et quasi total d'énergie qu'on utilisait c'était la biomasse pour notre énergie primaire et les besoins alimentaires, puis ensuite la combustion avec l'attraction animale. Pendant des siècles on a vécu avec des prélèvements dans le stock de biomasse. Mais en réalité la limite d'utilisation de ce stock c'était la capacité de renouvellement de la biomasse grâce à la photosynthèse.
Ensuite pendant un siècle et demi on a démesurément accru l'énergie qu'on allait chercher dans les stocks grâce à trois produits : le charbon, le pétrole et le fossile dont l’origine était la biomasse qui s'était fossilisée. Du coup on a envoyé un énorme choc dans le milieu naturel puisque ce que la nature avait mis des millions d’années à fabriquer en énergie fossile on l'a brûlé en 150 ans. D'où l'urgence climatique...
Donc tout ceci fait qu’on est au début de cette révolution du passage des énergies de stock vers les énergies de flux
Dans les énergies de flux qui ont été les premières à être utilisés, on a les flux hydrauliques et  les flux éoliens. Mais tous ces flux sur le plan énergétique sont dérivés d'un flux primaire qui est le flux solaire . Toute l'énergie qu'on utilise en fait vient de l'énergie solaire transformée par la photosynthèse. 
Et donc pour moi dans la révolution du passage des énergies de stock vers les énergies de flux l'énergie solaire est le maillon le plus important ...
L'habitabilité de la planète à moyen terme est complètement dépendante du rythme auquel on va être capable de faire cette bascule vers les énergies de flux.

C'est quoi les blocages et c'est quoi les facteurs d'accélération ? 
Le premier problème c'est les coûts. 
👉Sur le fossile vous partagez les coûts entre le coût de démarrage et puis ce n’est qu’ensuite, suivant l'évolution des prix, que vous allez pouvoir vous rendre compte au bout de 20 ou 30 combien ça a coûté.
👉Sur le nucléaire, il y a une partie des coûts qui sont au début parce que c'est très capitalistique mais ....on ne sait pas quand on  va s'arrêter de payer. Il y a une grande partie des couts qu'on repousse dans le futur :  les déchets... 
👉Sur le solaire vous payez tous les coups au démarrage et même des fois avant le démarrage parce que les  réseaux ne vont pas être adaptés à ce que vous pouvez faire...
Le deuxième problème c'est que les fossiles font de la résistance.
Nos sociétés sont quand même totalement incrusté de 150 ans de passé dans le développement des énergies fossiles donc il y en a des traces partout dans nos sociétés, dans nos représentations ... et si vous parlez d'énergie solaire à beaucoup de gens dans la rue : « c'est une énergie coûteuse, c’est une énergie intermittente »  ils ne voient pas du tout que le fossile est subventionné à des niveaux considérables. On parle beaucoup des aides publiques au renouvelable mais parlons un peu aussi des subventions aux énergies fossiles.
Pour sortir des énergies fossiles il faut soit reconvertir, soit enlever une grande partie du capital qui est lié à la production ou à la  consommation d'énergie fossile. Et comme on ne l’a pas provisionné, comme on l'a pas anticipé, c'est très difficile c'est très douloureux.

C'est tout le débat qu'il y a en ce moment sur le véhicule électrique. Tant que vous faites 5 à 10 % du marché avec le véhicule électrique, ça vient en plus, mais la vraie difficulté c'est quand il faut commencer à retirer complètement les véhicules qui fonctionnent avec le moteur à combustion.
C'est un point très important qu'on n’a pas du tout anticipé ni provisionné alors que la sortie de l'énergie fossile on l'a fait déjà pour l'arrêt du charbonnage...

Troisième point  les réseaux : les réseaux, ça a été dit, c'est connu si on ne fait pas suffisamment d'investissement dans les réseaux on va pas pouvoir utiliser toute l'énergie de flux même si effectivement  les modèles d'autoconsommation ont quand même besoin du réseau.
Dernier point, je le mets uniquement en dernier parce que c'est toujours mis en premier, bon effectivement il y a une difficulté sur l'intermittence. Cette difficulté sur l'intermittence elle est totalement surdimensionnée, souvent par des lobbies qui veulent ralentir la bascule vers l'énergie de flux. On a déjà beaucoup progressé avec la réduction du coût du stockage dans les batteries ..

Le photovoltaïque c'est la modularité par excellence. Vous pouvez utiliser une cellule PV pour recharger votre batterie. Cette modularité c'est je pense une force incroyable pour le déploiement. Cette modularité qui fait que vous soyez dans une grande métropole, dans un petit village vous êtes intermédiaire et on peut moduler complètement. On peut même moduler à l'intérieur, entre maisons, puis on peut ensuite moduler en bidirectionnel entre la voiture et le réseau. 

Il y a d'autres façons d'accélérer,  c'est de taxer plus le carbone. Si on avait un réel  renchérissement de  la taxation carbone, soit par des systèmes de quotas,  soit par des taxes, et qu’on renchérisse le coût d'utilisation des énergies fossiles sans verser la rente aux producteurs quand le prix du pétrole augmente. 
On est dans un cercle infernal puisqu’effectivement vous découragez la consommation mais vous encouragez les producteurs. 
Donc ça serait aussi un mécanisme d'accélération formidable si on était capable de redistribuer. C’est un problème de redistribution, c'est parce qu’on ne sait pas redistribuer le produit des taxes ou des marchés de quota, qu’on ne peut pas aller plus vite.